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Quelques précisions jurisprudentielles dans le contentieux des refus de remises gracieuses d’indu de RSA

Auteur : Julien Charre
Publié le : 29/03/2016 29 mars mars 03 2016

Alors que plus de deux millions de foyers sont bénéficiaires des prestations au titre du RSA et que des négociations sont engagées entre le Gouvernement et l'Assemblée des départements de France (ADF) afin que l'Etat reprenne à sa charge le coût des prestations, actuellement attribuées aux Conseils Départementaux, les juridictions administratives ont pu récemment spécifier le contentieux des refus de remises gracieuses d’indu de RSA.

L'action en paiement du trop-perçu de RSA se prescrit par deux ans, conformément à l'article L. 262-45 du Code de l'action sociale et des familles, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

Le Conseil d'État a déjà pu juger que la notion de fausse déclaration doit s'entendre comme visant les inexactitudes et omissions délibérément commises par l'allocataire dans l'exercice de son obligation déclarative (Conseil d’Etat, 15 juin 2009, n° 320041).

L’article suivant du Code de l'action sociale et des familles, L. 262-46, dispose que :

« Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. [...]

La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général ou l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active pour le compte de l'Etat, en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d'une manœuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration
».

Lorsque la décision du président du Conseil Départemental refuse ou ne fait que partiellement droit à une demande de remise gracieuse ou de réduction d'indu, le juge administratif apprécie la légalité de la décision attaquée, mais aussi se prononce lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait existant à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise ou une réduction supplémentaire. Pour l'examen de ces deux conditions, le juge est ainsi conduit à substituer sa propre appréciation à celle de l'Administration (Conseil d’Etat, 23 mai 2011, Mme Popin, El Moumny, n° 344970).

Il se prononce ainsi, tant sur la légalité externe et interne de la décision litigieuse que sur les droits du demandeur.

Pour apprécier la demande de l'intéressé, le juge administratif tient compte des éléments de fait existant à la date de sa propre décision, de la situation financière du demandeur et de sa bonne foi (TA Cergy-Pontoise, 27 septembre 2012, n° 1007554).

L’ensemble de ces éléments vient d’être rappelé et parfaitement résumé dans un arrêt du 9 février 2016 de la Cour administrative d’appel de Bordeaux :

« il appartient à la cour, saisie d'une demande dirigée contre une décision refusant ou ne faisant que partiellement droit à une demande de remise ou de réduction d'indu de revenu de solidarité active, non seulement d'apprécier la légalité de cette décision, mais aussi de se prononcer elle-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait existant à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise ou une réduction supplémentaire ; que, pour l'examen de ces deux conditions, le juge est ainsi conduit à substituer sa propre appréciation à celle de l'administration » (CAA Bordeaux, 9 février 2016, n° 14BX00284).

 
Un mois plus tard, c’est au tour du Conseil d’Etat d’avoir à trancher un litige concernant un refus de remises gracieuses d’indu de RSA.

Dans son arrêt n° 381272 en date 9 mars 2016, le Conseil d'Etat est ainsi venu apporter quelques précisions.

Dans ce cas d’espèce, la CAF de Paris, qui avait prononcé la récupération des sommes qu'elle estimait avoir indument versées à une allocataire du RSA entre août 2010 et février 2012, a rejeté la demande de cette dernière de remise gracieuse de sa dette.

La requérante a alors saisi le juge administratif en excipant de l'illégalité des décisions de récupération.

Le Conseil d’Etat a alors estimé ce moyen comme inopérant :

« une décision rejetant une demande de remise gracieuse d'un indu présentée par un bénéficiaire du revenu de solidarité active ne trouve pas sa base légale dans la décision de récupération de cet indu et n'est pas davantage prise pour son application ; que, par suite, le bénéficiaire qui conteste un refus de remise gracieuse ne peut utilement exciper, à l'appui de sa demande d'annulation de ce refus, de l'illégalité de la décision de récupération ».

La Haute Juridiction ajoute que ce motif est d'ordre public et n'appelle l'appréciation d'aucune circonstance de fait.

Le Conseil d'Etat en profite également pour revenir sur l'office du juge de plein contentieux lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre un refus total ou partiel opposé à une demande de remise gracieuse d'un indu de RSA.

Il énonce ainsi qu’il « appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux de l'aide sociale, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée mais d'examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est justifiée et de se prononcer lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre parties à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise ou une réduction supplémentaire ».

Dès lors, est sans aucune incidence sur le litige, « la circonstance que la décision attaquée aurait été prise par une autorité incompétente, qu'elle serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière ou qu'elle serait insuffisamment motivée ».

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