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Erreur dans la notification des voies de recours : le délai d'appel ne court pas

Auteur : Marie BERTRAND
Publié le : 07/03/2017 07 mars mars 03 2017


Le Conseil d'Etat est venu affirmer dans un arrêt n°395184 du 22 février 2017 que la notification erronée d'un jugement mentionnant le pourvoi en cassation comme voie de recours en lieu et place de l'appel ne faisait pas courir le délai d'appel.

Dans cette affaire, la notification du jugement du Tribunal administratif de Rennes du 10 janvier 2014 comportait une indication erronée de la nature des voies de recours pouvant être formées à son encontre. Il précisait en effet que le jugement était susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat dans un délai de deux mois, alors même que la voie de l'appel était ouverte depuis le 1er janvier 2014.

Mme C., partie à l'instance, a formé un appel, devant la Cour administrative d'appel de Nantes, juridiction compétente pour en connaître, après l'expiration du délai de deux mois.

La Cour administrative Nantes a rejeté la requête comme irrecevable pour cause de tardiveté.

Selon elle, l'erreur constatée dans la notification du jugement était sans influence sur l'opposabilité du délai à la requérante au motif que le délai n'était pas lui-même erronée et que Conseil d'Etat avait la possibilité de renvoyer l'affaire devant la juridiction compétente :

 « 4. Considérant, il est vrai, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement en cause a été notifié à Mme E...avec l'indication erronée que cette décision était susceptible d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat, alors que les jugements rendus par les tribunaux administratifs à compter du 1er janvier 2014 en matière de déclaration préalable de travaux étaient susceptibles d'appel, en application des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative dans leur rédaction issue du décret n°2013-730 du 13 août 2013 ; 

5. Considérant toutefois que l'erreur ainsi commise quant à l'indication de la nature de la voie de recours susceptible d'être utilement exercée n'était pas de nature à différer le point de départ du délai de recours contentieux dès lors, d'une part, que la notification du jugement attaqué comportait l'indication des délais de recours et d'autre part que les dispositions de l'article R. 351-1 du code de justice administrative permettent au Conseil d'Etat, au cas où il est saisi d'un pourvoi dans une matière qui relève de l'appel, d'attribuer le jugement de l'affaire à la cour administrative d'appel compétente ; ».


Cette appréciation stricte de la Cour administrative d'appel de Nantes n'a pas été suivie par le Conseil d'Etat qui a cassé l'arrêt, estimant que le délai n'avait pu commencer à courir à l'encontre de la requérante.

La position du Conseil d'Etat semble motivée par la seule circonstance que la voie de recours mentionnée par erreur consistait en un pourvoi en cassation qui par nature avait pu avoir une influence sur l'appréciation de la requérante de l'opportunité de contester le jugement :

« En jugeant ainsi, alors que l’indication dans la notification du jugement attaqué de la voie de recours particulière que constitue le recours en cassation était susceptible d’exercer une influence sur l’appréciation de la requérante quant à l’opportunité de contester le jugement, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. ».

Si cette solution pragmatique ne peut être qu'appréciée dès lors qu'elle prend en compte la réalité des hésitations qui peuvent toucher un requérant avant d'engager un tel recours (frais d'avocat au Conseil d'Etat, office du juge de cassation), il n'est pas certain qu'elle ne soit pas propre à la seule erreur intervenue en l'espèce.

En effet, cette solution laisse, planer le doute sur sa transposition à d'autres circonstances.

Le Conseil d'Etat pose-t-il ici un critère nouveau permettant de déterminer si le délai de recours indiqué dans la notification d'une décision de justice court ou non selon que l'erreur sur la nature de la voie de recours susceptible d'être intentée est susceptible ou non de dissuader le requérant de contester la décision juridictionnelle ?

S'il était répondu par la positive à cette question, il est difficile d'identifier d'autres cas dans lesquels une erreur dans la notification d'une décision juridictionnelle serait susceptible d'exercer une telle influence.

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