La nécessité d'un niveau de précision suffisant du sens des conclusions du rapporteur public
Auteur : Régis Constans
Publié le :
08/01/2016
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La généralisation de la communication du sens des conclusions du Rapporteur public a répondu, dans un premier temps, à une attente des plus pressantes des avocats.
Il était devenu d’usage que l’on interroge le Commissaire du gouvernement, avant l’audience, afin qu’il nous précise s’il entendait conclure au rejet ou à l’annulation. Cela restait toutefois de l’ordre de l’usage et dépendait du bon vouloir du Commissaire du gouvernement.
Si les avocats avaient commencé à solliciter, de plus en plus systématiquement cette information, en préalable des audiences, c’est tout simplement parce qu’ils estimaient que cela leur permettrait d’avoir plus d’efficacité dans la préparation desdites audiences.
Lorsqu’ils ont été informés de ce que cette communication allait être prévue par la procédure et être consacrée dans le Code de justice administrative, ils en étaient ravis.
Mais tout cela partait d’un malentendu. Du point de vue des avocats, il s’agissait, en quelque sorte, d’inscrire cette transmission dans les mécanismes qui leur semblent consubstantiels à leur mission et constituent le centre de leur exercice professionnel : l’égalité des armes et le principe du contradictoire.
En vertu de ces principes, ils escomptaient donc que la transmission préalable à l’audience porterait sur les conclusions du Rapporteur public et non pas seulement sur leur sens.
Ainsi, ils ont été un peu déçus à la lecture de l’article R. 711-3 du Code de justice administrative qui prévoit seulement que « Si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui les concerne ».
Cette déception s’est encore accrue quand ils ont découvert ce que recouvrait le terme « sens ». En effet, en excès de pouvoir, les termes figurant sur Sagace étaient parfois de peu d’utilité, lorsqu’ils se limitaient à des formules lapidaires telles que : « rejet au fond», « rejet pour irrecevabilité », et plus encore pour le célèbre : « annulation totale ou partielle ». Comme si le fait qu’une annulation soit totale ou partielle était indifférent.
Là encore, le curseur a rapidement évolué pour concrétiser l’esprit de la réforme. Ainsi, aujourd’hui, il faut saluer l’effort des rapporteurs publics qui indiquent, en cas d’annulation, le moyens précis qu’ils estiment fondé et, le cas échéant, les injonctions qui résultent de cette annulation.
En revanche, en plein contentieux et, notamment, en matière indemnitaire, il est de plus en plus difficile de se contenter d’un « satisfaction totale ou partielle », surtout qu’aucune précision n’est donnée sur les chefs de préjudices qui prospèrent et les montants des condamnations proposées.
Si l’on s’en tient à cette conception restrictive du sens des conclusions, il est évident que l’on manque l’objectif affiché de permettre aux parties d’optimiser leurs interventions lors de l’audience.
Confrontées à des pratiques individuelles disparates, les juridictions administratives ont été questionnées sur le niveau de précision requis lors de la communication, préalablement à l’audience, du sens des conclusions du Rapporteur public.
Dans un arrêt récent, la Cour administrative d’appel de Lyon a présenté un vade-mecum en la matière :
« 3. Considérant que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions précitées de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, en termes précis, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions aux fins d'injonction ne présentent pas un caractère accessoire au sens des dispositions précitées de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ; que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que s'agissant des conclusions aux fins d'annulation des décisions du 18 février 2014, le rapporteur public a seulement indiqué aux parties qu'il conclurait à l'annulation totale ou partielle de ces décisions ; qu'il appartenait au rapporteur public d'indiquer précisément s'il entendait conclure à l'annulation de toutes les décisions prises par la préfète de la Loire ou seulement à l'annulation de certaines d'entre elles ; qu'en outre, le rapporteur public n'a pas indiqué s'il ferait droit aux conclusions aux fins d'injonction ; qu'en l'absence de telles précisions, la préfète de la Loire est fondée à soutenir que le jugement est entaché d'une irrégularité et, par suite, à en demander l'annulation, dans la limite des conclusions présentées en appel »
(CAA Lyon, 5 janvier 2016, Préfecture de la Loire, n° 14LY03030).
Cet arrêt constitue une avancée cruciale en ce qu’il consacre explicitement l’objectif de la transmission préalable du sens des conclusions du Rapporteur public : permettre aux parties de préparer l’audience ; et qu’il précise que pour atteindre cet objectif, il est indispensable que le sens des conclusions soit formulé de la manière la plus précise possible.
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