Précisions sur le point de départ du nouveau délai de péremption en cas de suspension d'instance
Auteur : Benjamin Beauverger
Publié le :
18/04/2016
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2016
La péremption est une sanction intervenant lorsqu'aucune des parties à l'instance n'a accompli de diligences durant deux années consécutives.
Selon les dispositions de l'article 392 du Code de procédure civile :
"L'interruption de l'instance emporte celle du délai de péremption.
Ce délai continue à courir en cas de suspension de l'instance sauf si celle-ci n'a lieu que pour un temps ou jusqu'à la survenance d'un événement déterminé ; dans ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l'expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement".
La question du point de départ du nouveau délai de péremption avait pu être légitimement posée à la Cour de cassation : s'agissait-il de la survenance de l'évènement ayant justifié le sursis à statuer ou de la connaissance de ce dernier par les parties?
La haute juridiction avait retenu la première solution (Cass.2e civ., 15 septembre 2005, n° 03-20.037 : JurisData n° 2005-029693).
Cependant, cet arrêt précisait que les parties "avaient été informées de la décision pénale dans des conditions qui leur auraient permis d'effectuer des diligences interruptives de péremption", de sorte que le problème lié à l'absence de connaissance de la survenance de l'évènement ayant justifié le sursis n'avait pas d'impact sur l'issue du litige.
La haute juridiction a toutefois tranché cette problématique par un arrêt du 3 septembre 2015.
Les faits de l'espèce étaient les suivants :
M. X... a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de contester la validité d'un congé que lui a signifié Mme Y... aux fins de reprise au profit de son fils de parcelles de terre louées suivant un bail à long terme consenti par ses parents depuis décédés.
Par jugement du 20 octobre 2006, le tribunal a sursis à statuer jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Douai, saisie de l'appel interjeté contre le jugement d'un tribunal de grande instance ayant ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la succession des parents défunts;
Cet arrêt a été rendu le 12 mars 2007.
Le 3 mars 2010, Mme Y. a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en reprise d'instance de conclusions tendant à voir constater la péremption de l'instance au 12 mars 2009.
L'incident de péremption avait été rejeté par jugement du 4 mai 2010, le tribunal paritaire des baux ruraux a annulé le congé par jugement du 9 mars 2011 ; que Mme Y. a interjeté appel des deux jugements.
Selon la Cour d'appel, aucune péremption d'instance ne pouvait être retenue pour les motifs ci-après :
"Il est constant que X n'était pas partie à la procédure dont la cour d'appel était saisie qui concernait exclusivement ses bailleurs et les droits des indivisaires dans la succession de leurs parents en sorte qu'il ne pouvait suivre ladite procédure et être informé des dates d'audience et de délibéré seule la partie adverse ayant reçu les informations nécessaires, qu'il n'avait par conséquent pas la possibilité d'avoir connaissance de la survenance de l'événement constituant le point de départ du nouveau délai de péremption.
Il en résulte que ce délai n'a pu courir à l'encontre de X qu'à compter de la date où il a eu officiellement connaissance de l'arrêt rendu, qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier qu'il ait eu connaissance de l'arrêt avant la reprise d'instance par la bailleresse, d'où il suit que l'exception de péremption d'instance doit être rejetée" (C.A., Douai, 30 juin 2011, n° 11/01974).
Tel n'a pas été l'analyse de la Cour de cassation selon laquelle :
"en statuant ainsi, tout en constatant que dans l'instance ayant provoqué le sursis à statuer, la décision de la cour d'appel de Douai était intervenue le 12 mars 2007, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, tenant à la connaissance par la partie à laquelle on oppose la péremption, de l'événement mettant fin au sursis-à-statuer, a violé le texte susvisé "(C. Cass, 2e civ. , 3 septembre 2015, n° 14-11.091, JurisData n° 2015-019446).
Au cas d'espèce, M. X ne pouvait pas connaître la réalisation de l'évènement ayant justifié la suspension d'instance, soit l'arrêt de la Cour d'appel de DOUAI.
La Cour de cassation fait pourtant le choix de la sévérité en s'en tenant strictement à la lettre de l'article 392 du Code de procédure civile précité : le nouveau délai de péremption d'instance court à compter de la survenance de l'évènement ayant justifié le sursis à statuer, que les parties en aient eu connaissance ou pas.
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